LE CORONAVIRUS ACCENTUE LA CRISE TURQUE ou LES PROMESSES VIDES D’ERDOGAN, par Laurent Glauzy

L’économie turque est aux prises avec les conséquences de la pandémie corona : la baisse des taux de change, la dette extérieure et le chômage de masse aggravent la situation. Dans le même temps, le président Erdogan promet à ses citoyens que le pays sortira plus fort de la crise. « La Turquie se distingue comme une étoile brillante dans tous les domaines de la vie », s’est réjoui Recep Tayyip Erdogan dans son discours hebdomadaire du 17 septembre 2020. « Les grands progrès que nous avons réalisés dans l’économie sont la source la plus importante de force permettant d’envisager notre avenir avec confiance », assurait-il.

La Turquie est en crise économique depuis deux ans.

Pour le moment, tous les Turcs ne regardent pas l’avenir avec sérénité. De longues files d’attente se forment chaque jour devant les agences pour l’emploi. Beaucoup de gens attendent toujours l’aide sociale Corona ou l’allocation de chômage partiel promise par Erdogan, ils ont du mal à se maintenir à flot. Les licenciements étaient interdits pendant la période Corona, mais de nombreuses personnes ont travaillé illégalement ou ont perdu leur emploi au préalable. La Turquie traverse une crise économique depuis deux ans – les conséquences se font désormais ressentir. Le chômage était déjà de 13,6 % en février et l’inflation est légèrement inférieure à 11 % par rapport à l’année précédente. Et, la livre turque s’est énormément dépréciée par rapport au dollar ces dernières semaines.

Dette extérieure élevée et effondrement de la monnaie

Un des problèmes majeurs est la dette extérieure massive de la Turquie. Les entreprises privées ont une dette de 175 milliards de dollars à l’étranger ; la baisse des prix leur rend difficile le service des prêts. Dans le même temps, les réserves de change de la banque centrale se sont réduites à 88 milliards de dollars. La banque centrale a tenté d’empêcher la lire de chuter grâce à des interventions massives sur le marché monétaire. Une baisse du taux directeur devrait stimuler l’économie en avril 2021, mais si l’inflation est élevée, le résultat s’avère délicat. C’est pourquoi, le gouvernement tente de remplir ses coffres avec de nouvelles taxes sur le change, le commerce de l’or et les importations.

Le service de la santé

Les paroles d’Erdogan ne sont-elles donc que de la propagande ? Malgré tous ses problèmes, la Turquie a aussi quelques chances. Le secteur de la santé, dans lequel le gouvernement a investi massivement depuis des années, a pu résister à la pandémie. Ces dernières années, des patients du monde entier sont attirés par la Turquie pour la greffe de cheveux, la chirurgie oculaire au laser ou l’insémination artificielle, en raison des nouveaux hôpitaux privés de haute technologie, des médecins les mieux formés et des prix abordables que peut offrir le tigre ottoman. Il y a quelques jours à peine, Erdogan a ouvert le nouvel hôpital gigantesque Cam and Sakura City” à Istanbul, l’une des plus grandes cliniques du pays. Ce week-end, deux hôpitaux pandémiques ouvriront également à Istanbul, qui ont été construits en seulement 45 jours. Eux aussi devraient plus tard être disponibles pour le tourisme médical. 5.000 ventilateurs ont été produits en Turquie ces dernières semaines, a salué le gouvernement, et la conversion de l’industrie textile à la production de masques et autres vêtements de protection a également rapidement fonctionné. La grande flexibilité et la volonté de prendre des risques pr les entrepreneurs turcs étaient un avantage.

 

Les pionniers de la numérisation

La pandémie est par ailleurs payante, car la Turquie a longtemps joué un rôle de pionnier dans la numérisation. Presque tous les supermarchés proposent des achats via une application. La livraison se fait généralement quelques heures plus tard. Les certificats des autorités, les prescriptions pour la pharmacie ou les rendez-vous à l’hôpital peuvent être obtenus via le portail « e-devlet », traduit E-State. Cela tient également au fait que l’on n’est pas très délicat en matière de protection des données. Mais, le gouvernement veut faire avancer la numérisation du pays à partir d’un important financement. Dans le même temps, les hommes politiques et les entrepreneurs turcs espèrent que la tendance internationale à la mondialisation portera ses fruits à la Turquie. Les productions précédemment commandées par l’Europe en Chine ou en Inde pourraient être délocalisées en Turquie. La baisse du taux de la livre turque constitue un avantage, car les entreprises étrangères peuvent produire à très bas prix en Turquie. Mais, jusqu’à présent, il s’agit d’un vœu pieux, car les productions ont diminué dans le monde entier depuis le Corona.

Le tourisme, moteur de l’économie

Il y a aussi de grands espoirs pour le tourisme turc. L’Allemagne n’a pas encore levé son avertissement de voyage lié au Coronavirus, pour la Turquie. Les hôteliers et les compagnies aériennes turcs espèrent que cela changera bientôt. Le ministère turc du Tourisme a maintenant conçu des certificats d’hôtel avec 31 conditions pour assurer un fonctionnement hygiénique et (paraît-il) sans corona. Le tourisme n’est pas seulement un moteur de l’économie turque, mais aussi un moyen important de faire entrer des devises étrangères. La Turquie est à la croisée des chemins, a récemment déclaré la présidente de l’association commerciale turque TÜSIAT Simone Kaslowski. « Les risques auxquels les pays émergents sont actuellement exposés pourraient frapper durement la Turquie. Mais elle pourrait aussi utiliser ses chances si elle remplissait quelques conditions. Les nouveaux critères du nouveau monde doivent apparaître dans le système de valeurs de l’UE comme une économie fiable et stable, doivent garantir certaines normes en matière de droits et libertés fondamentaux, avoir un État de droit fort et présenter une feuille de route pour l’infrastructure numérique et contre le changement climatique », a déclaré Kaslowski.

 

L’état de droit aiderait l’économie

Ali Babacan, autrefois ministre de l’économie de l’AKP et négociateur en chef de l’UE, va dans le même sens. Début mars 2020, il a fondé son propre parti, au grand dam de son ancien compagnon Erdogan. Babacan a dirigé l’économie turque pendant ses années de prospérité et a joué un rôle clé dans le processus d’adhésion de la Turquie avec l’UE. Il est considéré comme un technocrate travailleur, engagé et courtois et promet un retour aux anciennes valeurs de l’AKP. La Turquie pourrait se remettre rapidement si la liberté d’expression et l’état de droit étaient garantis, affirme Babacan. Il devra par ailleurs justifier des raisons de son silence pendant des années sur le démantèlement de l’économie turque s’il veut rivaliser sérieusement avec Erdogan.

Traduit de l’allemand par Laurent Glauzy

Wie das Corona-Virus die türkische Wirtschaftskrise verschärft.

Vorwärts du 29/5/2020

Erdogan, membre de la super-loge « Hathor Penthalpha » ayant contribué à la construction du terrorisme « islamiste » (révélation de Gioele Magaldi, qui devait succéder en 2014 à Gustavo Raffi, en tant que Grand-Maître du Grand-Orient d’Italie. Cf. Laurent Glauzy, Les Super-Loges n°2)

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