Pro Fide Catholica

Le discours prononcé le 18 mars par le président ukrainien Volodymyr Selenski au Bundestag allemand a tourné à l’esclandre à tous points de vue ; il s’agissait d’une première dans l’histoire du parlementarisme allemand : pour la première fois, le chef d’État d’un pays belligérant a été invité à s’exprimer en séance plénière du Bundestag pendant un conflit armé – et il a pu s’y livrer librement à des revendications douteuses et à des appels à l’escalade.

Bien que l’on comprenne que Selenski s’engage pour la défense de son pays et veuille recruter encore plus de soutien, la connexion en direct aux représentants du peuple d’un pays tiers non impliqué relève de l’impossible sur le plan diplomatique. La tentative de Selenski d’inciter l’Allemagne à participer directement à la guerre et de risquer ainsi d’impliquer l’Europe dans une grande guerre avec la Russie ne se justifie pas. L’Allemagne a déjà fait plus pour l’Ukraine que ce que ses dirigeants peuvent raisonnablement attendre, sur le plan humanitaire et, de manière assez discutable, en lui fournissant des armes.

Essayer de déclencher un cas d’alliance direct et de mettre en place une zone d’exclusion aérienne ou une mission de paix par l’intermédiaire de l’Allemagne, pays le plus puissant de l’UE et pays important de l’OTAN, est une manœuvre dangereuse. Le style de l’intervention de Selenskyj était également plus que douteux. Il n’a pas simplement demandé de l’aide, mais a profité de son intervention pour régler sèchement ses comptes avec la politique allemande à l’égard de l’Ukraine et de la Russie. Son pays n’a reçu « que des refus de l’Allemagne » en réponse à sa demande d’adhésion à l’OTAN.

Les critiques ukrainiennes concernant le gazoduc Nord Stream 2 en mer Baltique ont également été ignorées, tout comme l’insistance sur les « sanctions préventives » contre la Russie. A plusieurs reprises, il a reproché à la politique allemande de ne s’intéresser qu’à « l’économie, l’économie, l’économie ». L’Allemagne aurait ainsi contribué à ériger un mur pour isoler l’Ukraine.

Le soutien allemand à son pays est arrivé « parfois trop tard », les sanctions imposées à la Russie sont « peut-être trop faibles pour arrêter cette guerre ». Selon Selenskyj, trop d’entreprises allemandes sont encore actives en Russie, contribuant ainsi au financement de la guerre contre son pays. « Chaque année », les politiciens allemands répètent leur « plus jamais ça ». On voit aujourd’hui que « ces mots ne valent rien ».

Il a conclu en lançant un appel à Olaf Scholz : « Cher Monsieur le Chancelier Scholz, détruisez ce mur. Donnez à l’Allemagne le rôle de leader qu’elle mérite. Ainsi, ses descendants seront fiers de vous. Soutenez la paix, soutenez les Ukrainiens, arrêtez cette guerre. Aidez-nous à arrêter cette guerre. Vive l’Ukraine ! » Une prétention inouïe que de faire des emprunts à l’histoire allemande et de lier émotionnellement la situation en Ukraine à la chute du mur de Berlin afin d’en tirer ses propres avantages militaires.

Encore une fois, du point de vue du président d’un pays attaqué, ces tirades peuvent être compréhensibles dans une certaine mesure. Néanmoins, en tant qu’attaque frontale sous forme de discours dans l’hémicycle d’un pays ami, elles devraient être sans précédent dans l’histoire. Ce que les Polonais et les pays baltes seraient déjà prêts à accepter par négligence – une confrontation directe avec la Russie et donc, en fin de compte, un échange de coups nucléaires – le chef d’Etat ukrainien le demande ici indirectement à l’Allemagne.

Il le fait au mépris de la souveraineté allemande et sans tenir compte des intérêts de sécurité de l’Allemagne. Il y a pourtant de très bonnes raisons de s’opposer à l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, tout comme il y a eu des arguments en faveur de Nord-Stream 2. Mais comme personne n’a contredit ou répondu à Selenski, ces arguments n’ont pas été mentionnés.

Il est d’autant plus remarquable que cet acte d’ « ingérence souhaitée », expressément salué et délibérément mis en scène par le gouvernement allemand, ait été suivi d’une standing ovation. La réaction de la présidence du Bundestag a été plus scandaleuse que le discours lui-même : au lieu de permettre au moins un débat sur le discours controversé de Selenski et de discuter de ses exigences, comme l’avait demandé avec véhémence et bruyamment le groupe parlementaire de l’Union, les partis au gouvernement ont littéralement passé outre sans dire un mot – et sont froidement passés à l’ordre du jour.

Et celui-ci consistait à discuter de la folle obligation de vaccination contre la maladie de Corona ! Le fait que la coalition des feux de signalisation interdise à l’opposition toute réaction ou même toute note de réponse au discours agitateur d’un président étranger est un autre point bas de la culture démocratique.

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