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Place d’Armes. Ukraine-Russie, un an de conflit : lettre du Général Martinez.

Au Président de la République et à son gouvernement,

aux représentants de la nation et au peuple français

Un an tout juste après l’agression de l’Ukraine par la Russie et alors que ce conflit semble s’enliser, il faut bien admettre que les risques d’embrasement et de débordement au-delà du territoire ukrainien deviennent très sérieux aujourd’hui du fait du soutien massif de Kiev décidé par l’OTAN, notamment en matière de matériel militaire lourd, qui pourrait conduire les dirigeants russes à considérer cette démarche comme belliqueuse à leur égard. Les pays européens, membres de l’OTAN, traités de ce fait comme co-belligérants seraient donc en première ligne et potentiellement sous la menace directe de frappes de représailles, ce qui déclencherait une phase nouvelle de cette guerre qui deviendrait incontrôlable. Il ne sert à rien de clamer qu’il ne s’agit pas de co-belligérance pour tenter de s’en convaincre. En effet, c’est la guerre et si les Russes considèrent qu’il s’agit de co-belligérance, cette co-belligérance sera considérée comme telle avec ses conséquences. La situation est donc extrêmement grave et préoccupante et la responsabilité des dirigeants européens est immense dans la tournure que pourrait prendre ce conflit, pour l’instant encore, contenu géographiquement.

Les dernières déclarations du Président de la République, engageant la France, lors de la conférence sur la sécurité qui s’est tenue à Munich, ne sont d’ailleurs pas de nature à faire baisser la tension. Refuser d’engager le dialogue avec la Russie qui contrôle à ce stade environ 20 % du territoire ukrainien et pousser à sa défaite d’une part, et laisser croire que l’Ukraine serait en capacité d’imposer ses conditions dans une négociation qui surviendrait après une hypothétique contre-offensive victorieuse d’autre part, relève d’un déni de réalité qui pourrait être catastrophique et dramatique pour l’Ukraine et les pays européens. Il est encore temps d’arrêter le massacre !

C’est pourquoi j’appelle le Président de la République et le gouvernement à un sursaut inspiré par la raison. Avoir servi la France sous l’uniforme pendant une quarantaine d’années m’en donne aujourd’hui le droit, sinon le devoir. Car la politique et la géopolitique se fondent sur des réalités et non sur des fantasmes ou sur l’émotion. Et les réalités internationales en 2023, confirmées s’il en était besoin par ce conflit en Ukraine, sont représentées par les Etats-Unis, la Russie et la Chine, seules puissances en mesure – en fonction de leurs seuls intérêts propres – de peser sur l’issue de cette guerre par procuration, l’Union européenne étant de son côté totalement dépassée car ayant choisi depuis la fin de la Guerre froide d’engranger les dividendes de la paix au détriment de sa défense. Ignorer cette évidence ou refuser de l’admettre peut conduire à des prises de décisions tragiques pour la France et les Français.

C’est pourquoi j’appelle les représentants de la nation, députés et sénateurs, étrangement silencieux sur les décisions partisanes prises par l’exécutif et qui engagent la France dans ce conflit, à exiger un débat au Parlement. La France se devait, en présidant l’Union européenne au cours du premier semestre 2022 – avant même l’agression russe et dans les mois qui l’ont suivie – d’adopter un rôle singulier de puissance d’équilibre, de vrai médiateur donnant à la diplomatie sa raison d’être dans ce conflit qui aurait pu et qui aurait dû être évité ou arrêté. Car cette guerre est un vrai malheur pour l’Europe. En ne faisant pas ce choix et en suivant aveuglément les Etats-Unis, la France a manqué un rendez-vous avec l’Histoire. Les Français pourraient le payer cher.

C’est pourquoi, enfin, j’appelle les Français à prendre conscience des enjeux qui touchent à leur sécurité et donc à leur avenir. Cette prise de conscience doit les conduire à manifester fermement, résolument et massivement leur désaccord à des décisions qui privilégient et alimentent manifestement la poursuite de la guerre et sa propagation jusqu’à l’irréparable au lieu de créer les conditions de son arrêt.

Car sur les raisons du déclenchement de ce conflit et par conséquent de la nécessité et du bien fondé de mon appel, il est indispensable de rapporter les faits qui contredisent le discours officiel et justifient l’opposition à la posture adoptée par la France qui découle, en fait, d’un narratif partiel et partial imposé aux Français. « Les responsables des guerres ne sont pas ceux qui les déclenchent, mais ceux qui les ont rendues inévitables » (citation attribuée à Montesquieu). En l’occurrence, la Russie a déclenché cette guerre le 24 février 2022, mais ce sont les Etats-Unis qui l’ont rendue inévitable.

Ukraine : 157000 soldats tués / 234000 blessés – 234 instructeurs OTAN tués

2458 combattants OTAN tués – 5360 mercenaires tués – 17230 prisonniers

Russie : 18480 soldats tués / 44500 blessés – 323 prisonniers

La disproportion entre les pertes ukrainiennes et russes est cohérente avec la disproportion des feux appliqués par chacun des camps à son adversaire (de l’ordre de 8 pour 1 en faveur de la Russie). Jusqu’où sommes-nous prêts à aller dans cette boucherie qui aurait pu et aurait dû être évitée ?

Cette guerre est bien celle des Etats-Unis et n’est absolument pas dans l’intérêt des Européens qui se suicident économiquement et géopolitiquement en raison des sanctions décidées contre la Russie et qui risquent, à présent, d’être impliqués directement dans ce conflit. Le temps de la raison n’est-il pas venu avant qu’il ne soit trop tard ?

« La paix est le seul combat qui vaille d’être mené. Ce n’est plus une prière, mais un ordre qui doit monter des peuples vers les gouvernements, l’ordre de choisir définitivement entre l’enfer et la raison ». (Albert Camus)

Le 07 mars 2023 Général (2s) Antoine MARTINEZ


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