Radio Athéna : “La France et l’Afrique noire” par Jean-Paul Gourévitch. Vidéo.

« La France et l’Afrique noire, cinq siècles d’histoire : vérité et désinformation ».
Sputnik France a demandé à l’essayiste et spécialiste de l’immigration Jean-Paul Gourévitch, récemment contredit par le site CheckNews de Libération sur ses chiffres sur la réalité de l’immigration en France, ce qu’il pensait de la polémique.

Entretien.
Sputnik France : Comment jugez-vous ce qui semble annoncer un revirement, du moins dans les mots, de la politique d’Emmanuel Macron concernant l’immigration ?
Jean-Paul Gourévitch : «Je ne porterai pas de jugement global. Le débat qui aura lieu à l’Assemblée nationale semble se caler sur deux points que sont l’aide médicale d’État, qui est d’ailleurs confondue avec la Procédure étrangers malades, et d’autre part le problème du droit d’asile. Ce sont deux éléments de la politique migratoire mais il y en a beaucoup d’autres. Je pense aux mineurs non accompagnés, au suivi des étudiants, à l’accès à l’emploi des gens qu’on accueille etc.»
Sputnik France : Selon-vous, Emmanuel Macron ne s’attaque donc pas de front à la problématique de l’immigration ?
Jean-Paul Gourévitch : «En tout cas le débat tel qu’il semble se lancer ne va porter que sur une petite partie du problème. En revanche, il s’agit de deux sujets importants. Il faut reconnaître que concernant l’aide médical d’État, c’est la première fois que le pouvoir accepte un débat sur ses coûts, ses dérives et sur le fait que cette procédure est confondue avec la Procédure étrangers malades qui n’est pas du tout la même chose.»
Sputnik France : 64% des Français ont l’impression «qu’on ne se sent plus chez soi comme avant» en France. Comment l’expliquez-vous ?
Jean-Paul Gourévitch : «Alors ça ce n’est pas nouveau. Depuis près de 10 ans, la proportion des Français considérant que les immigrés ne sont pas une chance pour la France est toujours aux alentours des deux tiers. Ce qui est relativement nouveau, c’est qu’à partir du moment où nous disposons de chiffres officiels, ceux de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), qui expliquent qu’il y a 11% d’immigrés plus 12 à 14% d’enfants d’immigrés en descendance directe, cela signifie que près d’un quart des individus résidant en France ont un lien direct avec l’immigration. Et il faut noter que ces chiffres n’incluent pas les immigrés illégaux. Cela peut expliquer cette forme de rejet d’autant plus que dans certains départements ces immigrés et enfants d’immigrés sont aujourd’hui majoritaires.»
Sputnik France : Qui a raison ? Ceux qui disent que l’invasion migratoire est un fantasme ou ceux qui pensent, au contraire, que c’est une réalité ?
Jean-Paul Gourévitch : «Je n’ai pas pour habitude de distribuer les bons et les mauvais points. Mon travail consiste à lutter systématiquement contre la désinformation comme je l’ai fait dans mon ouvrage “Le grand remplacement réalité ou intox ?” et de permettre à chacun de se faire sa propre opinion. Mais de le faire à partir de chiffres sourcés et documentés et non pas à partir d’idées toutes faites, d’estimations à la louche ou de fantasmes.»
Sputnik France : L’immigration s’accélère-t-elle en France ?
Jean-Paul Gourévitch : «C’est totalement indiscutable. C’est la première fois que la proportion d’immigrés, c’est-à-dire de personnes nées à l’étranger, de parents étrangers a dépassé les 10% et c’est aussi la première fois que le solde naturel, c’est-à-dire le différentiel de fécondité entre les personnes descendantes de Français et les personnes descendantes d’immigrés est aussi important. Sur 758.000 naissances en 2018, nous avons eu 242.107 naissances de personnes d’origine étrangère si l’on considère qu’un enfant d’un couple mixte est d’origine étrangère à 100% et 183.772 si l’on considère que pour être d’origine étrangère, il faut que les deux parents soient étrangers.»
Sputnik France : On sent beaucoup de tensions sur le sujet dans le parti d’Emmanuel Macron entre l’aile droite qui appuie ses propos et dans le même temps des «marcheurs» historiques de l’aile gauche comme le député Aurélien Taché qui s’apprête à recevoir Carola Rackete, la capitaine du Sea-Watch. Comment Emmanuel Macron doit-il jouer sa participation?
Jean-Paul Gourévitch : «Je ne souhaite pas m’engager sur le terrain politique. En revanche, il y a des tensions et il est clair que comme dans tout parti centriste, cette formation est tiraillée entre son aile gauche plutôt droit-de-l’hommiste et son aile droite qui souhaite plus de fermeté sur l’immigration.»
Sputnik France : Pensez-vous que l’immigration sera un enjeu majeur de l’élection présidentielle de 2022 ?
Jean-Paul Gourévitch : «Cela fait 10 ans que je le répète. Nous allons arriver à un stade où l’immigration sera de plus en plus un enjeu majeur de la présidentielle. Ce n’est pas le seul, nous avons vu monter les problèmes d’environnements. Sans vouloir schématiser, l’on pourrait presque dire que les préoccupations concernant l’environnement seront l’enjeu majeur pour une victoire de la gauche et les préoccupations sur l’immigration, l’enjeu majeur pour une victoire de la droite ou du centre droit.»