Présente situation et vieux alibis : il y a pape et « pape »

Présente situation et vieux alibis (2)
2) Il y a pape et « pape »
On peut discuter longuement sur l’exact degré d’autorité qu’ont voulu donner Paul VI et les pères de Vatican II (les évêques) à chacun et chacune des Constitutions (pastorales ou dogmatiques), Décrets et Déclarations dudit Concile Vatican II, et il y a certes beaucoup de contre vérités qui circulent en milieu « traditionaliste » à ce sujet. Si Dieu veut, nous y reviendrons une autre fois.
a) La liberté religieuse
Mais quoi qu’il en soit, il est manifeste que les principaux enseignements de Vatican II sont, depuis plus de quarante-cinq ans, ordinairement (et même journellement) enseignés par Paul VI et ses successeurs, et avec eux par la quasi-totalité des évêques dispersés de par le monde. Si Paul VI et ses successeurs étaient réellement papes, les principaux enseignements de Vatican II relèveraient donc nécessairement du magistère ordinaire universel. Nous savons que le magistère ordinaire et universel est infaillible lorsqu’il atteste qu’un enseignement donné est révélé (objet premier du magistère infaillible) ou connexe à la Révélation (objet second du magistère infaillible).
Or force est de constater que d’après Vatican II, en sa Déclaration Dignitatis humanæ, « le droit à la liberté religieuse a son fondement réel dans la dignité de la personne humaine, telle qu’elle est connue par la Parole de Dieu révélée et par la raison elle-même », et ailleurs dans la même Déclaration Vatican II enfonce le clou :
« Bien plus cette doctrine de la liberté a ses racines dans la Révélation divine, et pour cette raison elle doit être sauvegardée d’autant plus scrupuleusement par les chrétiens. »
Concile Vatican II, Déclaration Dignitatis humanæ, 7 décembre 1965.
Il est donc bien clair que le droit à la liberté religieuse de Vatican II est attesté par le même concile comme à tout le moins lié à la divine Révélation. Et c’est bien exactement ce même droit à la liberté religieuse qui est enseigné comme tel depuis quarante-cinq ans avec une si magistrale constance par Paul VI, Jean-Paul II, Benoît XVI, François et la totalité des évêques avec eux (à l’exception notable et louable mais extrêmement marginale de feu N.N.S.S. Lefebvre et De Castro-Mayer – et quelques rares autres). Par conséquent, si Paul VI et ses successeurs étaient réellement papes, le droit à la liberté religieuse de Vatican II relèverait nécessairement du magistère ordinaire universel infaillible : attestant en effet que le droit à la liberté religieuse est à tout le moins connexe à la Révélation (objet second du magistère infaillible).
Or voilà ce qu’un vrai pape ne saurait enseigner (avec les évêques) puisque c’est aussi ce même droit à la liberté religieuse qui a été infailliblement condamné par le pape Pie IX :
« Et contre la doctrine de la Sainte Écriture, de l’Église et des Saints Pères, ils affirment sans hésitation : « La meilleure condition de la société est celle où on ne reconnaît pas au pouvoir le devoir de réprimer par des peines légales les violations de la loi catholique si ce n’est dans la mesure où la tranquillité publique le demande. » A partir de cette idée tout à fait fausse du gouvernement des sociétés, ils ne craignent pas de soutenir cette opinion erronée, funeste au maximum pour l’Église catholique et le salut des âmes, que Notre prédécesseur Grégoire XVI d’heureuse mémoire qualifiait de « délire » : « La liberté de conscience et des cultes est un droit propre à chaque homme. Ce droit doit être proclamé et garanti par la loi de toute société bien organisée. »
Pie IX, Encyclique Quanta Cura, 8 décembre 1864.
b) La nouvelle messe
Prenons un autre exemple, celui de ladite « nouvelle messe ».
Le Père Cartechini, dans son célèbre ouvrage sur les notes théologiques, ouvrage dont faisait usage le Saint-Office, écrit :
« Le magistère ordinaire infaillible s’exerce de trois manières :
« 1. par une doctrine expresse communiquée en dehors d’une définition formelle par le Pontife ou par les évêques du monde entier ;
« 2. par une doctrine implicite contenue dans la pratique ou la vie de l’Église :
« a) l’Église… ne peut pas permettre que soient dites en son nom dans la liturgie des choses contraires à son sentiment ou à sa croyance ;
« b) dans le Code de droit canonique il ne peut y avoir rien qui soit de quelque façon que ce soit opposé aux règles de la foi ou à la sainteté évangélique ;
« 3. par l’approbation tacite qu’accorde l’Église à une doctrine des Pères, des docteurs et des théologiens. »
R.P. Cartechini, s.j., De Valore Notarum Theologicarum, Université pontificale Grégorienne, 1951.
Voilà ce qui décrit, de par la nature des choses, l’exercice du magistère ordinaire et universel et donc le Souverain Pontificat : on pourra constater sans grande difficulté que lesdits « pontificats » de Paul VI et successeurs ne correspondent certes pas à cette description… Et s’il y a une question sur laquelle Paul VI et successeurs achoppent lamentablement, c’est bien la question de la liturgie et de la messe, en se rappelant en effet que « l’Église… ne peut pas permettre que soient dites en son nom dans la liturgie des choses contraires à son sentiment ou à sa croyance ». C’est pourquoi le pape Pie VI a condamné la 78e proposition du synode de Pistoie (d’inspiration janséniste) :
Proposition qui…
« inclut et soumet à l’examen prescrit même la discipline constituée et approuvée par l’Église, comme si l’Église, qui est régie par l’Esprit de Dieu, pouvait constituer une discipline non seulement inutile et même plus onéreuse que ce que permet la liberté chrétienne, mais dangereuse, nuisible, conduisant à la superstition et au matérialisme. »
Pie VI, Constitution Auctorem fidei, 28 août 1794.
L’autorité suprême dans l’Église, c’est-à-dire le pape, ne peut pas constituer et approuver une discipline, et notamment des lois liturgiques, contraires au bien de l’Église : c’est ce que les théologiens appellent l’infaillibilité des lois de l’Église. Le pape Grégoire XVI met les points sur les « i » :
« Est-ce que l’Église qui est la colonne et le soutien de la vérité et qui manifestement reçoit sans cesse de l’Esprit-Saint l’enseignement de toute vérité, pourrait ordonner, accorder, permettre ce qui tournerait au détriment du salut des âmes, et au mépris et au dommage d’un sacrement institué par le Christ ? »
Grégoire XVI, Encyclique Quo graviora, 4 octobre 1833.
Non seulement le pape ne peut pas promulguer directement, par exemple, une réforme liturgique qui serait contraire au bien des âmes, mais il ne peut même pas permettre une telle réforme, notamment en raison de l’infaillibilité du magistère ordinaire et universel en ces matières.
Or depuis quarante années, Paul VI et successeurs permettent à tout le moins (et même en bonne part ordonnent puisque les autorisations données à la messe traditionnelle sont des concessions) une « nouvelle messe », un Ordo Missæ qui « s’éloigne de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la sainte Messe telle qu’elle a été formulée à la XXIIe session du Concile de Trente » (Cardinaux Ottaviani et Bacci, Lettre à Paul VI lui présentant le Bref Examen critique du nouvel Ordo Missæ, 3 septembre 1969). Doit-on également rappeler que Mgr Lefebvre qualifiait cette « nouvelle messe » de « messe de Luther » ?
c) Une conclusion nécessaire
Au vu de la doctrine catholique relative à l’infaillibilité du magistère ordinaire et universel (une doctrine laissée sous le boisseau ou défigurée par beaucoup de « traditionalistes ») et au vu également de l’incompatibilité radicale existant entre la liberté religieuse et l’Ordo Missæ de Paul VI d’une part et la foi catholique d’autre part, comment ne pas conclure, avec Mgr Lefebvre d’ailleurs…
« Un pape digne de ce nom et vrai successeur de Pierre ne peut pas déclarer qu’il se donnera à l’application du concile [Vatican II] et de ses réformes. Il se met par le fait même en rupture avec tous ses prédécesseurs et avec le concile de Trente en particulier. »
Mgr Lefebvre, Lettre aux cardinaux, 6 octobre 1978 (à l’occasion du conclave qui a suivi la mort de Jean-Paul Ier).
Comment pourrions-nous regarder autrement les Paul VI, Jean-Paul Ier, Jean-Paul II, Benoît XVI et François qui maintiennent depuis plus de quarante ans la nouvelle messe, la liberté religieuse, mais aussi l’œcuménisme et la collégialité (entre autres erreurs sinon hérésies) que comme de faux papes ?
Les regarder comme papes tout en rejetant Vatican II et la nouvelle messe équivaudrait en effet à rejeter la doctrine catholique relative au magistère ordinaire et universel et à son infaillibilité. Ce serait tomber de Charybde en Scylla.
Un groupe de lecteurs, dont N. Magne.